Prédication du dimanche 23 avril 2023 : « Et vous, quel est le sens de votre baptême? »

Prédication donnée ce dimanche matin par le pasteur Christo à l'occasion du baptême de deux jeunes enfants.
Église protestante unie de France

« Et vous, quel est le sens de votre baptême ? »

Matthieu 28,16-20 :

16 Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. 17Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes ; 18Jésus s’approcha et leur dit : Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. 19Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint, 20et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

 

Romains 6, 3-5 :

3Ignorez-vous que nous tous qui avons reçu le baptême de Jésus-Christ, c’est le baptême de sa mort que nous avons reçu ? 4Par ce baptême de la mort, nous avons donc été ensevelis avec lui afin que, tout comme le Christ s’est réveillé d’entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie. 5En effet, si nous avons été assimilés à lui par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable.

 

 

Chers frères et sœurs,

Nous venons d’accueillir, à l’instant, dans le sacrement du baptême, deux jeunes enfants. C’est une joie de les accompagner sur ce chemin.

J’ai pour habitude, pendant la préparation au baptême, de poser ces deux questions essentielles aux parents pour essayer de comprendre leur démarche :

  1. Qu’est-ce qui vous motive à faire baptiser votre enfant ?
  2. Quel est le sens de ce baptême pour vous ?

Comme vous pouvez vous en douter, les réponses à ces questions sont multiples et variées. Elles tiennent compte des différents facteurs, à la fois familiaux et personnels. Une fois, et je ne suis pas en train de blaguer, quelqu’un m’a répondu : « Monsieur le pasteur, je demande le baptême de mon enfant, parce que c’est la tradition dans notre famille, et surtout c’est pour faire plaisir à ma maman qui a toujours souhaité que ses petits enfants soient baptisés. »

 

Pour tout vous dire, j’étais subjugué par la réponse, et je me suis dit : si c’est cela le sens du baptême pour beaucoup d’entre nous, dans ce cas, l’Église a vraisemblablement loupé quelque chose dans son enseignement et dans sa démarche théologique du baptême.

 

Comment expliquer à cette personne que le baptême n’est pas une histoire de tradition familiale, moins encore une démarche pour faire plaisir à un membre de sa famille ?

 

J’avais le choix de laisser cette personne dans sa conception du baptême qui, à mon avis, est totalement incohérente, mais est-ce qu’en agissant ainsi, je rendais service à l’Église ?  J’avais aussi le choix de rectifier le tir en lui expliquant que le baptême c’est autre chose que faire plaisir ou respecter des us et coutumes d’un clan.

 

Qu’il y ait un parent soucieux de voir ses enfants ou petits-enfants recevoir le sacrement du baptême, pas pour que cela lui procure plaisir et satisfaction, mais parce que les valeurs spirituelles sont intrinsèques à la famille, c’est tout à fait logique, cependant ne réduisait pas le baptême à une histoire de coutume familial ou à une partie de plaisir.

 

C’est la raison pour laquelle, ce matin, avec le baptême de ces jeunes enfants, m’est venu à l’idée de vous interroger, de nous interroger sur le sens que nous donnons à notre propre baptême.

Pourquoi suis-je baptisé ? Est-ce que mon baptême fut le fruit d’une conviction spirituelle profonde ou a-t-il eu lieu pour honorer un contrat familial ? Pourquoi je demande le baptême ?

 

Je l’ai déjà dit une fois, et je voudrais encore le redire ce matin : baptiser un enfant ou voire même un adulte, ça n’est pas lui imposer un choix, mais c’est lui proposer une appropriation. Quand l’Église accueille un baptisé ou une baptisée, elle lui balise un chemin. Le débat inutile qui consiste à dire que baptiser un enfant c’est trop tôt, c’est irréfléchi, devient de plus en plus un faux débat.

 

Je rencontre, dans mon travail, d’une part, des gens qui ont été baptisés à l’âge adulte, mais qui, au fil du temps, abandonnent le chemin de la foi, et d’autre part, des personnes qui ont été baptisées enfants et qui demeurent fidèlement dans leur cheminement spirituel.

 

Jésus n’exige rien de spécial pour le baptême. Le baptême ne sauve pas. Le baptême ne fait pas de vous l’homme ou la femme le plus aimé de Dieu. Le baptême n’est pas un truc qu’on tamponne sur votre front pour que vous ayez une conscience tranquille au cas où… Non ! Le baptême c’est autre chose…

 

Le sens premier du baptême, c’est de baliser votre chemin en tant que disciple du christ, et cela peu importe l’âge ou le sexe. Un baptisé c’est quelqu’un qui a une saine et permanente relation avec Dieu. Et une relation, vous le savez aussi bien que moi, ça s’entretient.

 

Si par exemple dans un couple les conjoints ne se parlent plus, ce qu’il n’y a plus d’amour. Si en amitié on ne se donne plus des nouvelles, alors qu’on a la possibilité de le faire, ce qu’il y a un problème. Et, c’est pareil quand on est disciple du Christ. Un disciple est celui qui entretient sa relation avec son maître. Si baptiser pour vous, signifie avoir une conscience tranquille, alors votre démarche est vaine. Si le baptême pour vous signifie faire un pari, c’est que le compte n’y est pas.

Quand on décide de se faire baptiser ou quand on décide de baptiser son enfant, on s’engage à quelque chose, c’est-à-dire vivre de la mort et de la résurrection de Jésus.

 

De la sorte, le baptême marque une rupture. Le Christ s’immisce dans l’asphère d’influence de Satan et pose sa main sur les siens, il se crée sa communauté. Le passé et le futur sont ainsi séparés l’un de l’autre. Ce qui est ancien est passé, tout est devenu nouveau… Nous dit l’apôtre Paul dans 2 Co 5,17. On n’est plus la même personne !

La rupture ne se produit pas parce qu’un homme brise ses chaînes dans un désir inextinguible de trouver un ordre de vie, un ordre des choses nouveau et libre. Longtemps auparavant, le Christ lui-même a accompli la rupture. Par le baptême, cette rupture est désormais accomplie également dans ma vie, dans la vôtre. L’immédiateté aux données de ce monde m’est retirée, parce que le Christ, le médiateur et Seigneur, s’est interposé entre elles et moi.

Quiconque est baptisé n’appartient plus au monde, ne le sert plus, ne lui est plus soumis. Il n’appartient plus qu’au Christ et son comportement vis-à-vis du monde n’est déterminé que par Jésus Christ. (D. Bonhoeffer, vivre en disciple, p.190.)

Dans l’évangile que nous venons de lire, Jésus dit : « Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. » Il y a là une dimension missionnaire dans laquelle chaque disciple du Christ est appelé à s’engager.

 

Lorsque Jésus appelait quelqu’un à le suivre, il exigeait de lui un acte d’obéissance visible. Suivre Jésus constituait une affaire publique. Il en va de même pour le baptême : c’est un événement public, car par lui s’effectue l’incorporation dans la communauté visible de Jésus Christ (Ga 3,27s ; 1Co 12,13). La rupture avec le monde accompli en Christ ne peut plus être cachée, elle doit se manifester extérieurement par l’appartenance au culte et la vie de la communauté. Celui qui est baptisé doit vivre dans la communauté visible de Jésus Christ. (D. Bonhoeffer, vivre en disciple, p.190.)

 

Frères et sœurs, même si la foi est de l’ordre de l’intime, de l’intériorité, il n’en demeure pas moins qu’elle doit foncièrement être inscrite dans une dimension communautaire. On ne peut pas être chrétien seul dans son coin. Tout comme, on ne peut pas être chrétien en intermittence.

 

Je crois intimement que le baptême ne peut être administré que là où peut être garantie la répétition de la foi en l’acte du salut accompli une fois pour toutes, répétition remettant cet acte en mémoire, c’est-à-dire uniquement dans une communauté vivante.  (D. Bonhoeffer, vivre en disciple, p.190.)

 

C’est pourquoi, je dis toujours aux parents, si vous choisissez le côté simpliste du discours qui consiste à dire : on va baptiser notre enfant, mais ce sera à lui de décider plus tard, je pense que ce n’est pas l’aider.  Certes, nos enfants appartiennent à leur liberté, mais il faut aussi prendre conscience que dans leur choix, ils ont toujours besoin de repères. L’Église, les parents, les parrains et marraines, les amis constituent ces repères-là.

 

J’ai déjà fait plusieurs baptêmes dans cette église, mais combien de parents reviennent pour inscrire leurs enfants nouvellement baptisés à l’éveil à la foi ou à l’école du dimanche ? Combien de parents reviennent à l’église avec leurs enfants pour participer au culte ? Combien ?

 

Une fois qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient, ils disparaissent, je ne vois plus personne. Aucune nouvelle ! Mais quand ils font la demande de baptême, il faut voir comment ils sont gentils envers moi.

Quentin et Ségolène, sachez que je ne serai jamais vexé si je n’ai plus de nouvelles de vos enfants, j’en ai l’habitude.

 

Si les repères qui sont censés aider les enfants à cheminer dans la foi ne sont pas eux-mêmes modèles en matière de foi, comment voulez-vous que les enfants cheminent et deviennent des disciples à leur tour ?

 

Et permettez-moi de vous redire encore ce matin ce que j’ai déjà dit il y a encore quelques mois de cela : quand les enfants, les jeunes, se rendent compte que leurs parents n’écoutent que rarement l’Evangile, ne le laissent pas pénétrer à la maison ; qu’il n’interpelle pas, n’interroge pas, quand ils voient que la foi n’a pas grande dimension de vécu dans la vie de leurs parents, ne retentit pas dans l’existence de ceux-ci, alors ne nous étonnons pas qu’ils nous envoient promener, nous et nos pieuses intentions de les envoyer écouter, apprendre à l’éveil à la foi, au caté, à l’école du dimanche ou à l’église, ce qui n’est pour eux qu’une morale inutile.

 

Voici un enjeu pour vous les parents : votre autorité morale ne vient pas de votre savoir, mais de votre mode de vie et de votre intégrité. En grandissant vos enfants écoutent moins vos paroles, mais imitent davantage vos actes…

Semez la parole de Dieu profondément dans le cœur de votre enfant dès son plus jeune âge. Il pourra tout de même s’égarer, rien n’est garanti. Beaucoup se sont trompés avant d’arriver à la vérité. Assurez-vous simplement qu’il sait où se trouve le bon chemin. C’est ce que j’appelle le chemin de l’appropriation.

 

Imaginez un saumon né dans une écloserie, relâché dans un canal qui mène à un ruisseau vers une rivière puis vers l’océan. Il nage sur des milliers de kilomètres. Puis, poussé par son instinct, il entame le long voyage de retour vers son lieu de ponte. Non seulement il localise l’endroit où il est entré dans l’océan, mais aussi la rivière, le ruisseau et l’entrée exacte du canal d’où il a été libéré.

 

Un reportage montre qu’un saumon a réussi à se frayer un chemin à travers une canalisation verticale d’un mètre de long et à franchir un lourd couvercle grillagé au-dessus du tuyau, pour se retrouver dans le réservoir qui l’a vu naître.

À travers cette image du saumon, je voudrais vous dire : « donnez à vos enfants le goût des choses de Dieu quand ils sont jeunes. Quand ils grandiront, ils n’oublieront pas leurs racines spirituelles. » Faites fidèlement votre part, et Dieu fera la sienne. Aujourd’hui, votre rôle consiste à instruire, les aimer et à prier pour eux. Le rôle de Dieu est de les faire revenir. Il le fera, car il les aime plus que vous les aimez !

 

Notez que, comme le disait Dietrich Bonhoeffer, un christianisme privé de Jésus Christ vivant demeure nécessairement un christianisme sans la marche à la suite de Jésus, et un christianisme sans cette vie à la suite de Jésus est toujours un christianisme privé de Jésus Christ ; il est idée, mythe.

 

Frères et sœurs, aucun autre contenu n’est possible en dehors de Jésus, aucun.

 

Et vous, quel est le sens de votre baptême ?

 

Amen !

 

 

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