Prédication du dimanche 19 mars 2023 : Élie et les messagers

Culte présidé par Rémi Monnier, pasteur de Beauvais

Lectures bibliques

Nous sommes environ 850 ans avant Jésus-Christ, Israël est coupé entre le royaume du Nord et le royaume du Sud depuis la rupture avec les descendants de David. À ce moment-là, c’est le roi Achab qui règne sur le royaume du Nord avec sa femme Jézabel. Achab est le roi et Jézabel est celle qui tire les ficelles, qui pousse le roi à la tyrannie, et qui a introduit le culte de Baal et de Astarté dans le royaume d’Israël.

Élie lutte de toutes ses forces contre cette religion, il veut ramener le peuple à la foi en l’Éternel, le Dieu des Israélites. Et au chapitre 18 on a cette confrontation entre Élie et les serviteurs de Baal, épisode pendant lequel Élie démontre que l’Éternel est bien le vrai Dieu, et puis ça finit mal parce que Élie et les Israélites finissent par découper en rondelles les quelques 850 de serviteurs de Baal et Astarté.

Et nous arrivons au chapitre 19 :

1 Ro 19.1-16

1 Le roi Achab raconta à Jézabel, sa femme, tout ce qu’Élie avait fait, en particulier
qu’il avait mis à mort par l’épée tous les prophètes de Baal. 2 Jézabel envoya un messager pour dire à Élie : « Si demain, à pareille heure, je ne t’ai pas traité comme tu as traité ces prophètes, que les dieux m’infligent la plus terrible des punitions ! » 3 Élie prit peur et il s’enfuit pour sauver sa vie. Il se rendit à Berchéba, dans le pays de Juda ; là, il laissa son serviteur, 4 puis il marcha pendant une journée dans le désert et il s’assit sous un genêt. Il souhaitait mourir et il dit : « Maintenant, Seigneur, j’en ai assez ! Reprends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes prédécesseurs ! » 5 Il se coucha et s’endormit sous le genêt ; mais un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange ! » 6 Il vit en effet, posée près de sa tête, une de ces galettes que l’on cuit sur des pierres chauffées, et un pot d’eau. Après avoir mangé et bu, il se recoucha ; 7 mais l’ange du Seigneur revint le toucher et lui dit : « Lève-toi et mange, car tu devras faire un long voyage ! » 8 Élie se leva pour manger et boire, puis avec les forces trouvées dans ce repas, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. 9 Arrivé à l’Horeb, Élie entra dans une caverne, il passa la nuit. Alors la parole du Seigneur lui fut adressée : « Pourquoi es-tu ici, Élie ? » 10 Il répondit : « Seigneur, Dieu de l’univers, j’ai tant de zèle pour toi que je ne supporte plus la façon d’agir des Israélites ! En effet, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie ! » 11 « Sors, lui dit le Seigneur ; tu te tiendras sur la montagne, devant moi ; je vais passer. » Aussitôt un grand vent souffla, avec une violence telle qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur ; mais le Seigneur n’était pas présent dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; mais le Seigneur n’était pas présent dans le tremblement de terre. 12 Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; mais le Seigneur n’était pas présent dans le feu. Après le feu, il y eut le bruit d’un souffle léger. 13 Dès qu’Élie l’entendit, il se couvrit le visage avec son manteau, il sortit de la caverne et il se tint devant l’entrée. Il entendit de nouveau une voix qui disait : « Pourquoi es-tu ici, Élie ? » 14 Il répondit : « Seigneur, Dieu de l’univers, j’ai tant de zèle pour toi que je ne peux plus supporter la façon d’agir des Israélites ! En effet, ils ont rompu ton alliance, ils ont démoli tes autels, ils ont tué tes prophètes ; je suis resté moi seul et ils cherchent à
m’ôter la vie. » 15 Mais le Seigneur lui dit : « Va, retourne par le même chemin à travers le désert, et
rends-toi à Damas. Tu y choisiras de ma part avec l’huile d’onction Hazaël comme roi de Syrie. 16 Puis tu choisiras comme roi d’Israël avec l’huile d’onction, Jéhu, fils de Nimchi, et tu choisiras Élisée, fils de Chafath, d’Abel-Mehola, pour te succéder comme prophète.

Prédication

Élie c’est le prophète pour les temps de crise.
Vous allez me dire, à chaque fois qu’il y a crise en Israël, Dieu envoie un prophète.

Oui, mais Élie nous parle de la crise d’une manière particulière, parce que Élie est tellement impliqué, qu’il entre lui-même en crise.

Il est profondément saisi. Il faut dire qu’il fait face à :

  • Une crise du dérèglement climatique : pas de pluie, sécheresse, famine
  • Une crise spirituelle : les Baal et Astarté sont adorés partout autour de lui.
  • Une crise personnelle, ici il est menacé de mort.

Si bien que maintenant il est en fuite. Lui le champion de Dieu qui a tenu tête seul aux quelques 850 prophètes, lui qui a osé défier le cruel roi Achab face à face pour lui dire qu’à cause de ses âneries il y allait avoir une sécheresse dans le pays… Il est en fuite. Il est mis en déroute.

Et peut-être que la première chose que nous dit ce texte, c’est que parfois il y a des crises qu’on a pu anticiper, des crises qu’on a pu surmonter, et puis parfois nous sommes pris de court, un peu comme Élie qui reçoit le message de Jézabel et qui se
met à courir.

Et donc, si un épisode de crise peut nous faire courir et ainsi mettre nos jambes à rude épreuve, c’est assez intimement lié au fait que nous avons affaire à un message ou à des messages qui nous déstabilisent, des messages qui nous découragent ou qui nous désespèrent, des informations qui nous font peur.

Dans ce texte nous retrouvons différents types de messages. Et aussi d’ailleurs différents types de messagers.

Le premier messager, celui envoyé par Jézabel pour dire à Élie : « je vais te faire la peau » c’est malak en hébreu. C’est un mot qui signifie « messager ».

Et puis malak c’est le même mot, un peu plus loin, qui désigne le 2ème messager, et
cette fois le texte traduit : un ange.

Et oui c’est le même mot. Ange, et messager c’est le même mot en hébreu.

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais la première fois que l’ange vient voir Élie, on ne nous dit pas de qui est-ce qu’il est le messager. Le texte dit seulement : « un messager vient le toucher et lui dit : lève-toi et mange ».

Ce n’est qu’à la deuxième intervention du messager que le texte nous précise qu’il s’agit bien de l’ange du Seigneur.

Et donc, dans ce récit, Élie a affaire à deux messagers : le messager de Jézabel d’un côté, et le messager du Seigneur de l’autre. Tous deux porteurs de deux messages aux saveurs bien différentes.

Le premier messager est porteur d’un message de condamnation, de mise à mort et de peur. Le second messager sera porteur de nourriture et de force
Le premier messager conduira Élie vers le désespoir et dans le désert pour y demander la mort. Le second rejoint Élie dans le désert pour lui redonner des forces, de la confiance pour pouvoir reprendre la route et retrouver Dieu.

Le message de Jézabel a pour effet de terroriser le serviteur de Dieu et de le conduire au désespoir. D’ailleurs, si le but de Jézabel avait vraiment été de faire mourir Élie, ce n’est pas un messager qu’elle aurait envoyé…
Cependant, en terrorisant Élie, Jézabel cherche à le discréditer, et donc à discréditer l’Éternel. Elle cherche à entraver l’action de Dieu. Le message a pour effet que le prophète est délocalisé et donc l’Éternel est délocalisé avec lui. Dieu lui-même est
empêché de toute action pour son peuple.

Ce qui est peut-être même plus efficace que de tuer le prophète et d’en faire un martyr. Parce qu’un martyr, ça témoigne encore (c’est le sens du mot martyr).

Quand nous sommes en temps de crise, et malheureusement on commence à s’y habituer, nous recevons beaucoup de messages. Et des messages qui s’apparentent à ce message de Jézabel. Qui font peur, qui nous désespèrent, des messages qui forcent
au silence.

Et parfois ce sont même des messages qui résonnent au plus profond de nos existences, par exemple :
« Ça sert à rien ce que tu fais.
Tu n’y arriveras jamais
C’est ta faute si la planète se réchauffe.
C’est ta faute si on se retrouve dans cette situation,
Où est-il ton Dieu ?
T’aime-t-il tant que ça ? »

Ces messages (qui, vous l’avez compris, sont des mensonges) ont bien sûr pour effet de nous attrister, voire de nous faire peur ou encore de nous faire culpabiliser.

Mais plus grave encore, ces mensonges peuvent prendre tellement de place, et parfois sans que nous nous en rendions compte, nous faire quitter le territoire, nous faire perdre de vue le combat que le Seigneur aurait voulu que l’on mène là, avec lui.

Et donc faire quitter Dieu du territoire où il voudrait mener son action.
Ce territoire ça peut être une facette de notre vie, par exemple :

« On m’a tellement envoyé le message comme quoi je ne savais rien faire de mes dix doigt que j’ai fini par le croire et par ne plus essayer de construire quoi que ce soit ».

« On m’a tellement envoyé le message comme quoi Dieu était absent, que j’ai fini par trouver ça normal qu’il soit silencieux. Alors que Christ est vivant. »

Et ce texte, quelque part, nous invite à faire attention aux mensonges, et à la place que nous pouvons leur laisser dans nos existences.

Peut-être pouvons-nous prendre le temps aujourd’hui pour faire un peu le point sur les messages qui nous ont nourris ces dernières semaines, ces derniers mois, cette année. Quels effets ont eu ces messages, et quel est celui qui résonne le plus fortement en
nous en ce moment.

Et puis il y a le second messager, le messager de Dieu.
Le second messager se manifeste deux fois.
Les deux fois, ce messager vient pour donner de la nourriture qui redonne de la force au prophète Élie.
Ce n’est pas n’importe quelle nourriture, puisque c’est de la nourriture qui va lui permettre de marcher 40 jours et 40 nuits. Ce n’est pas juste une barre chocolatée.

Dans ce repas il y a une force de vie incroyable, et c’est de cette nature qu’est la force que procure le repas que Dieu nous donne. C’est cet effet qu’a le message de Bonne Nouvelle de Christ dans la vie de ceux qui la reçoivent.

Et la deuxième fois que le messager du Seigneur s’adresse à Élie, il ne se contente pas de lui donner à manger, mais il lui dit : « Lève-toi et mange car tu devras faire un très long voyage » que l’hébreu nous permet aussi de traduire : « Lève-toi et mange, car le voyage est trop pour toi »

Le Seigneur connait la lourde charge que porte Élie, et il connait son désarroi. Souvent en temps de crise nous avons besoin que le Seigneur et aussi les autres
autour de nous, reconnaissent cette charge. Mais, si le Seigneur reconnaît cette fatigue, pour autant il n’est pas là pour conforter Élie dans son état et se plaindre avec lui. Au contraire il vient pour le remettre en route.

Ce texte est un encouragement, car il nous rappelle que même si nous nous retrouvons dans le désert, ce n’est pas trop tard, Dieu peut venir nous y rejoindre pour nous relever.

Et peut-être que c’est pour nous le moment de laisser Dieu prendre soin de nous, nous nourrir, nous consoler, nous relever, afin que son message vienne éclipser tous les autres messages qui sont venus nous écraser. Qu’il vienne résonner plus profondément en nous, pour nous remettre en route.

Avec le Seigneur, le but n’est pas de nous conforter dans le désespoir mais bien de nous relever pour nous remettre en route. Parce que la destination, ce n’est pas le désert… le désert n’est qu’une étape.
Le but ce n’est pas juste de reprendre des forces pour tenir un peu et rester sur place, le but c’est de se remettre en route pour arriver dans le lieu où se fera la rencontre avec Dieu. La destination c’est l’Horeb, le lieu où Dieu se révèle.

Et au Mont Horeb, le Seigneur n’envoie plus de messager mais il se révèle lui-même. Il vient lui-même à la rencontre de son serviteur et se révèlera à lui d’une manière assez surprenante pour le remettre à nouveau en route.

Pour finir, j’aimerais déplacer un peu la question et nous inviter à réfléchir sur les messagers que nous, nous sommes. Car quelque part nous sommes aussi des messagers et plus exactement nous sommes les messagers (à priori!) d’une Bonne Nouvelle !

Alors, dans notre quotidien, au milieu des crises que traverse la société ou le monde, de qui sommes-nous les messagers ? De quels types de messages sommes-nous porteurs ?

Est-ce que nous sommes porteurs d’un message qui désespère ? Qui accuse ? Qui persécute ?
Ou bien sommes-nous encore et toujours porteurs d’un message d’espérance, d’un message qui relève, qui remet en route ?

Dans cette période difficile le monde qui nous entoure – je dis le monde mais en réalité, ce sont même nos proches – dans cette période de crise, le monde a plus que besoin d’un message qui relève, a besoin de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité,
du Christ vainqueur sur la mort et sur le péché. Une Bonne Nouvelle qui amène la vie.

Vous voyez, nous sommes au beau milieu d’une guerre d’information. D’un côté, le mensonge, de l’autre côté le Christ. D’un côté celui que Jésus appelle aussi « le père du mensonge » (Jn 8,44) et de l’autre côté le Christ. Et donc les deux questions à se poser sont : qui écoutons nous ? Et qui servons nous ?

En cette saison, Dieu a besoin de nous pour être des messagers pour ces Élie qui sont dans le désert, qui demandent la mort ou qui désespèrent. Et nous ne pouvons pas passer notre chemin.

Mais ce texte nous rappelle aussi que le messager n’est pas le tout du message de Dieu pour Élie, il n’est qu’un maillon. Nous ne sommes pas le tout du message de la Bonne Nouvelle, mais nous en sommes les porteurs, les facteurs.

Et même si Dieu nous charge de faire la livraison de paroles de grâce et de paroles d’encouragement envers ceux qui nous entourent, n’oublions pas que nous ne sommes que des messagers.
La Bonne nouvelle ce n’est pas nous, ce n’est pas nous qui sauvons le monde. Nous ne prenons pas la place de celui qui vient et qui est venu pour sauver. Simplement nous distribuons son courrier.

En tant que messager, un peu comme l’a été Jean-Baptiste pour Jésus, nous sommes là pour préparer le chemin, mais ce n’est pas la rencontre avec le messager qui importe, c’est la rencontre avec Dieu lui-même.

Il y a un peu plus de 2000 ans, Dieu ne s’est pas contenté d’envoyer Jean-Baptiste, il s’est révélé lui-même (un peu comme ça a été le cas avec Élie). Il s’est révélé lui-même en envoyant Jésus-Christ.

Et aujourd’hui Dieu veut encore et toujours se révéler lui-même, à chacun de nous mais aussi auprès des personnes vers qui Dieu nous envoie.

Ce qui donne son sens à notre vie et à notre monde, c’est la fidélité inconditionnelle d’un Dieu qui se révèle, mais qui se révèle de façon ténue, dans la brise légère.

Voilà la lumière qu’Élie a reçu sur son chemin. Voilà la lumière que nous recevons, en Jésus-Christ, sur notre propre chemin.
C’est le carême, c’est le moment de nous préparer à nous laisser surprendre et rejoindre par Dieu qui se révèle.

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